- FITZGERALD (E.)
- FITZGERALD (E.)Ella FITZGERALD 1918-1996Il y a du conte de fées dans la vie d’Ella Fitzgerald: l’éclosion spontanée de l’extraordinaire talent d’une jeune fille aux origines plus que modestes, la renommée planétaire de la plus pure interprète de la chanson américaine, l’unanime respect des plus grands du jazz, une fraîcheur et une vitalité que seules les heures les plus sombres de sa vieillesse, après soixante ans de carrière, ont réussi à entamer... Véritable incarnation du bonheur en musique, Ella Fitzgerald a su rassembler dans un même et immense public et les puristes sourcilleux et les foules enthousiastes. Cela tient du miracle!Ella Fitzgerald naît le 25 avril 1918 à Newport News, en Virginie. De son enfance, très peu de chose nous est parvenu. Élevée dans un orphelinat, elle chante très jeune en s’inspirant des Boswell Sisters, artistes blanches de La Nouvelle-Orléans. Benny Carter et John Hammond la remarquent. La célébrité lui sera offerte, sans préliminaires, un certain soir de 1934, quand elle remporte le premier prix d’un concours de chant amateur à l’Opera House de Harlem. Chick Webb l’engage séance tenante et l’impose. De 1935 à 1939 – hormis un bref séjour chez Benny Goodman en 1936 –, elle sera, au concert comme au studio, la chanteuse vedette de l’orchestre. Un jour, perdue dans le texte de Mr. Paganini , Ella Fitzgerald se lance dans une improvisation échevelée faite de syllabes et d’onomatopées, rivalisant en abattage avec les plus brillants instrumentistes. Elle vient d’inventer le scat. Son premier enregistrement avec l’orchestre date de 1935. Elle obtient, en 1938, un succès tel avec A Tisket, a Tasket, a Brown and Yellow Basket qu’il faut lui donner une suite, I Found my Yellow Basket . L’année suivante, c’est encore un triomphe avec My Heart Belongs to Daddy . Elle joue avec Teddy Wilson et se produit avec des ensembles vocaux (Savoy Eights, Mills Brothers). Si Ella Fitzgerald n’a pas encore l’absolue maîtrise qu’elle montrera dans les années 1940, sa spontanéité et sa sûreté rythmique en font déjà une très remarquable musicienne, que la toute jeune revue Down Beat ne tarde pas à saluer (1937). Après la mort de Chick Webb, en 1939 elle prend la direction de son orchestre, rebaptisé Ella Fitzgerald and her Famous Orchestra (1939-1942). L’expérience est peu concluante. On l’entendra pendant plusieurs années accompagnée par des groupes de chanteurs: Delta Rhythm Boys et Ink Spots (1942-1943), Four Keys et Louis Jordan (1945). Elle commence à travailler avec Louis Armstrong... et à se livrer à d’irrésistibles imitations du grand trompettiste. Son style évolue sous l’influence du bop, qui donne à son scat une liberté pyrotechnique inouïe. En 1946, Norman Granz devient son imprésario et l’associe aux tournées mondiales du Jazz aAt tThe Philharmonic (J.A.T.P.).Consécration suprême, elle chante, le 29 septembre 1947, sur la scène du Metropolitan Opera de New York. Concerts et disques se succèdent alors à un rythme effréné. Si Ella Fitzgerald se produit beaucoup en trio avec l’élite des pianistes – Oscar Peterson, Ellis Larkins, Hank Jones, Don Abney, Paul Smith, Lou Levy, Tommy Flanagan, Ray Bryant, Jimmy Jones, Jimmy Rowles –, on trouve à son côté des musiciens de la stature de Ray Brown (qui fut son mari), Dizzy Gillespie, Joe Pass, Barney Kessel, Lester Young, Benny Goodman, Illinois Jacquet, Paul Gonsalvez, Coleman Hawkins ou Roy Eldridge. À de nombreuses reprises, elle est l’invitée de Count Basie et de Duke Ellington. Ce dernier lui offre un imposant Portrait of Ella Fitzgerald en quatre mouvements aux titres évocateurs: Royal Ancestry , All Heart , Beyond Category et Total Jazz ... Elle est la voix qui casse le verre dans la mémorable publicité pour la cassette Memorex. Jusqu’à la fin des années 1970, son activité restera très soutenue, au concert comme au disque, ce qui ne lui vaudra pas moins de onze Grammy Awards, sortes d’oscars pour la musique aux États-Unis. Les présidents Ronald Reagan et Bill Clinton tiendront à saluer cette personnalité hors du commun. Très sollicitée par le cinéma, elle participe à de nombreux films: Pete Kelly’s Blues (Jack Webb, 1955), Saint Louis Blues (Allen Reisner, 1958), Let no Man Write my Epitaph (Philip Leacock, 1960), Duke and Ella in Antibes (Norman Granz, 1966). Jack Lang lui remet en 1990 les insignes de commandeur des Arts et Lettres. Elle n’a pas cédé aux délices et ravages de la drogue mais connaît d’incessants problèmes de santé: perte progressive de la vue, double pontage coronarien, diabète. Elle doit même endurer, en 1993, une amputation des deux jambes. Ella Fitzgerald disparaît le 15 juin 1996, à Beverly Hills, en Californie.Ella Fitzgerald n’a jamais renié ses origines populaires ni méprisé aucun genre. C’est avec un classicisme naturel qu’elle sait chanter les noëls, la bossa-nova et même la pop music. La comédie musicale américaine – qu’elle soit signée George et Ira Gershwin, Cole Porter, Irving Berlin, Rodgers et Hart ou Jerome Kern – trouve en elle une incomparable interprète. La chanteuse d’orchestre a rarement été égalée, même si Sarah Vaughan et Anita O’Day constituent une prestigieuse filiation. Dans son chant, aucune trace de la révolte plaintive du blues. Simplement, une présence lumineuse, une joie amoureuse, une chaleur irradiante qui font merveille dans les ballades et standards du jazz. L’ambitus de la voix est exceptionnel – deux octaves et demi –, la virtuosité rythmique et la justesse phénoménales. Les amateurs admirent une éblouissante technique, une plastique vocale splendide et contrôlée, une fantaisie poétique qui lui permet d’improviser une conversation avec les jets ou les grillons. Mais qui a pu résister à l’énergie, à la souplesse et à la grâce de son swing, aux couleurs délicieusement ingénues de son timbre, à ses facéties débridées? Ella Fitzgerald a trouvé la recette de l’éternelle jeunesse.
Encyclopédie Universelle. 2012.